SHURUPPAK, la cité du DELUGE

La onzième tablette de l'Epopée de Gilgamesh sur laquelle Ziusudra relate son expérience au premier héro de l’histoire humaine.Publier un premier roman historique

Pitch

Hloden est né dans un village néolithique des Alpes il y a quarante-sept siècles. Nulle pyramide ne courtise encore le ciel d’Égypte, aucune ziggourat ne se dresse sur le sol de la Mésopotamie. C’est l’âge mystérieux où s’écrivent les premières légendes de notre Histoire.

Hloden a quitté ses montagnes pour vivre la période d’isolement qui marque l’entrée dans l’âge adulte. Mais lui ne s’est pas contenté de patienter dans les montagnes comme ses camarades, il a suivi le cours du Fleuve Bleu, découvert la mer et, de là, suivit des rivages inconnus jusqu’aux déserts du Moyen-Orient.

De sa rencontre avec le peuple le plus en avance de son temps, que les historiens appellent aujourd’hui les Sumériens, va naître une passion profonde pour cette culture raffinée des premiers âges ainsi qu’un amour tumultueux pour une jeune fille.

Hloden va aussi se lier d’amitié avec Ziusudra, prince de la cité de Shuruppak, en compagnie duquel il va vivre les vicissitudes de la guerre mais surtout un débordement cataclysmique de l’Euphrate, qui donnera naissance, des siècles plus tard, au mythe du Déluge.

Un roman d’aventure écrit à la lumière des dernières découvertes archéologiques sur cette éblouissante et pourtant si méconnue civilisation sumérienne. Les plus anciens textes bibliques se sont construits, deux mille ans plus tard, durant la déportation à Babylone des Hébreux, par copie des anciens mythes sumériens. La légende du Déluge est l’une de ces allégories fondatrices empruntées aux sagas sumériennes et en particulier à la plus célèbre d’entre elles, l’Épopée de Gilgamesh : on rencontre dans cette œuvre un certain Ziusudra, prince de la ville de Shuruppak, réputé avoir sauvé l’humanité du Déluge et dont les Hébreux se sont largement inspiré pour camper leur patriarche Noé.

Extraits

 

Tous les chars sont à l’arrêt, à l’abri derrière des bouquets d’arbres. Les hommes sont immobiles, le regard perdu dans l’horizon jaune de la savane. Même les chevaux sont silencieux, attentifs au vrombissement des mouches qui tournent autour des attelages.

La belle voix sonore d’un lion mord le silence. Puis un second rauquement, plus terrible encore, transperce le premier. Une nuée d’échassiers s’envole sur la rive du fleuve brun. Les onagres remuent dans leurs harnais, en renâclant, leurs yeux agrandis par le début d’une angoisse.

Ziusudra jette un coup d’œil à son père, monté dans un char voisin. Le roi sourit à son fils ; dégagé du lourd fardeau de ses fonctions, il parait dix ans de moins.

 

Le sommeil dévorant dont je m’éveillais au matin me fit l’impression d’être un avant goût de la mort. Autour de moi, un calme étrange pesait sur le matin. Un brouillard lourd, dense, prolongeait la nuit, en s’effilochant comme une peau fine et usée. Les murs de briques crues ruisselaient encore d’eau, comme si l’averse se poursuivait toujours. Les femmes eurent toutes les peines du monde à allumer un feu pour cuisiner, et la fumée monta presque droite jusqu’aux grisailles qui l’absorbèrent. La lumière spectrale paraissait trop intense. Une lumière malade, désagréable.

Les ruelles s’étaient transformées en véritables bourbiers. Le majestueux Euphrate s’agitait étrangement entre ses rives. Il ressemblait à un labour en marche, terreux, épais, puant…

 

Il se retourne ; j’éprouve un choc. Comme il a vieilli ! Ses traits sont creusés, durcis, sa bouche est amère. Je lis dans ses yeux une telle détresse que j’en suis effrayé. Au chevet de qui sont-ils ?

« Ninsun ! »

Mon cœur s’est arrêté. Je tombe à genoux, en contemplant la belle jeune femme. Elle a les yeux clos. Elle est couverte jusqu’au menton de plusieurs manteaux. Sa peau est d’une pâleur inquiétante, qui contraste avec ses cheveux de jais répandus autour de sa tête comme un éblouissant soleil noir. Ses lèvres décolorées sont pincées, les ailes de son nez battent irrégulièrement.

« Que lui est-il arrivé ? »

« Elle est mourante » déclare dans mon dos la voix rauque de An-Nin-Asu-Padda.

« Non, cela ne se peut… Pourquoi ? »

« Elle a tué l’homme qui avait assassiné la reine-mère. Un soldat l’a poignardé. C’était il y a deux jours … »

« Seigneur Prince ! »

Nusku secoue violemment l’épaule de Ziusudra.

« Il faut partir immédiatement, Seigneur. Sinon nous mourrons tous ! »

 

 

Le temps parait suspendu au dessus du champ de bataille comme une prière solennelle dans un temple à l’échelle du monde. J’imagine sans peine les forces qui gouvernent aux destins mettre en concurrence la vie et la mort pour chacun de nous.

Les deux armées s’élancent presque en même temps comme deux grandes vagues resplendissantes autour d’une île destinée à être engloutie par la marée. Les lames des épées brillent dans le soleil. Le choc est d’une indescriptible violence. Les adversaires se rencontrent en heurtant leurs boucliers et leurs épées et immédiatement le sang éclabousse ceux qui frappent et ceux qui sont frappés. Au tumulte des milliers de voix, plaintes et cris de triomphe mêlés, s’additionne celui des Ummaïtes en extase sur leurs remparts, qui hurlent en frappant leurs boucliers fendus du plat de leurs lames.



Je serre Kuli-Nam contre moi, en paix avec moi-même. Des malheurs que nous avons connu, rien ne subsiste, il n’existe plus que cette belle cité qui reprend gout à la vie et nous deux, innocents comme aux premiers jours du monde. Je sais qu’il y a un avenir pour nous.

Je remercie la Grande Terre-Mère pour ses bienfaits. Je caresse doucement le ventre arrondi de Kuli-Nam. Elle se retourne et me regarde en face. Dans la lumière née de la nuit, ses yeux ont une teinte de lavande. Je sens mon cœur battre aussi tumultueusement que le sien, je chuchote :

« On rentre chez nous »

Dans ses yeux s’allument des soleils plus brillants et plus chauds que Utu. Elle me sourit et me tend ses lèvres lentement.

Par-delà l’étrave immobile du bateau sur le temple, les vagues éternelles de la grande plaine sumérienne déferlent sans fin jusqu’à l’horizon imprécis.