Le Vésuve engloutit Pompéi un 24 octobre, en l’année 79... Et engloutira probablement Naples, un jour prochain…

L’éruption du Vésuve, survenue le 24 octobre de l’an 79 ap. J.-C., est sans doute l’une des catastrophes naturelles les plus célèbres de l’Histoire. Un nom reste indissociable du « Vésuve » lorsque l’on raconte cette histoire : celui de Pompéi. Cette ville romaine, située dans la baie de Naples à une distance de seulement quelques kilomètres du volcan, est connue pour avoir subi les foudres de ce dernier.

Mais si l’ancienne ville romaine a subi de plein fouet la colère du Vésuve, elle n’est pas la seule. Les villes voisines d’Herculanum, Oplontis et Stabies ont également souffert de cet épisode et ne sont aujourd’hui plus que ruines.
« La nuée s'élançait dans l'air, sans qu'on pût distinguer à une si grande distance de quelle montagne elle sortait. » Il y a près de 2 000 ans, Pline Le Jeune faisait la première description historique de l’éruption, précédée par un gonflement du volcan induisant une baisse relative du niveau de la mer dans la région, puis plusieurs jours de tremblements de terre, esquissant une nuée en forme de tronc allongé « avant de se déployer comme un rameau ».
Le ciel ne tarde alors pas à s’assombrir, obstrué par les matériaux volcaniques et la cendre qui s’échappent du volcan. « La mer semblait se renverser sur elle-même… », « une nuée noire et horrible, crevée par des feux qui s'élançaient en serpentant », « Je tourne la tête et j'aperçois derrière nous une épaisse fumée qui nous suivait, en se répandant sur la terre comme un torrent … ».
La description de l’écrivain nous permet d’imaginer cette nuée, composée en réalité de gaz, de cendres, de bombes volcaniques et d’autres matériaux pyroclastiques (nuées ardentes, ressemblants à des nuages noires traversés d’éclairs d’électricité statique) qui investit violemment tout ce qui se trouve sur son chemin, et la terreur qu’on dû ressentir les habitants qui n’avaient aucune chance de s’en sortir vivants.
L’origine du Vésuve
L'activité volcanique du Vésuve, et plus généralement la majorité des phénomènes sismiques et volcaniques en Italie du Sud, peut être mise en relation avec la convergence entre les plaques Africaine et Eurasienne. La plaque Africaine se déplace de 2 à 3 cm par an vers le Nord-Ouest et plonge sous l'Europe, entraînant la fermeture inexorable du bassin méditerranéen.
Le plongement de la plaque est marqué par les séismes produits par le frottement entre la plaque chevauchante et la plaque subductée. Sous le Vésuve, la plaque africaine est déjà à une profondeur de près de 300 km. La température et la pression sont telles qu'elles induisent la déshydratation de la plaque plongeante. L'eau ainsi libérée induit alors une fusion hydratée du manteau en dessus de la plaque plongeante, et produit des laves que l'on retrouvera ensuite dans les émissions du Vésuve par exemple.
Les premières éruptions ont formé un strato-volcan ancien, appelé Somma, l'ancêtre du Vésuve, il y a environ 300 000 ans. Depuis, le Vésuve a connu huit éruptions majeures.
Les deux derniers millénaires d’éruptions du Vésuve
Le Vésuve est, avec l’Etna le plus célèbre volcan d’Italie. Situé en Campanie, le Vésuve domine la ville et la baie de Naples du haut de ses 1281 m. Le climat méditerranéen y est doux. Les coulées de lave sont à l’origine de la fertilité des sols vantée par Virgile (70-19 av. J.-C.) dans Les Géorgiques. Dès le 3ème siècle avant J.-C., ses pentes sont couvertes de vignes. Lucrèce (97-55 av. J.-C.) dans De la nature des choses (livre VI) parle des fumées liées à la recontre souterraine entre les plaques tectoniques africaine et eurasienne.
L’éruption de 79 est la plus dramatique de l’histoire récente, et elle n’est suivie que 16 siècles plus tard d’un nouveau cycle éruptif. Cela commence par une nouvelle éruption en 1631, suivi par une cinquantaine d’autres jusqu’en 1944, la dernière en date. Leur nature varie : certaines éruptions se caractérisent par des coulées de lave, d’autres par des explosions éjectant des nuages de cendres, des lapilli et des blocs de toute taille. Ces événements remodèlent le profil du volcan : le sommet du cône volcanique a été soufflé par l’éruption de 79, donnant naissance à une grande falaise au nord, le mont Somma, dépassé en altitude par le cône actuel. De multiples cônes adventices se forment. Les agglomérations au pied du Vésuve subissent des dommages comme Torre del Greco en partie recouverte par les coulées de lave.
Le Vésuve devient un sujet d’étude et Ferdinand II le dote en 1841 du premier observatoire volcanologique au monde. A la fin du siècle précédent, William Hamilton, ambassadeur britannique à Naples, publie les Campi Phlegraei où il décrit les différentes éruptions mais aussi les matériaux volcaniques retrouvés sur place. A la fin du XIXe siècle, Louis Figuier, vulgarisateur scientifique, évoque le Vésuve dans Scènes et tableaux de la nature (1879) ou dans La terre et les mers, ou description physique du globe (1864), ainsi que dans les revues qu’il a créées comme L’année scientifique et industrielle (1856-1913) ou La Science illustrée : journal hebdomadaire (1887-1905). Cette notoriété transforme le volcan en objet d’excursion à pied ou en funiculaire.
L’étude du Vésuve permet de mieux comprendre l’éruption de 79, remise en lumière par la découverte fortuite du site de Pompéi à la fin du XVIe siècle lors de la construction du canal de Sarno. Mais les recherches archéologiques à Pompéi ne commencent vraiment qu’en 1748 à l’initiative de Charles roi de Naples et de Sicile (1716-1788). L’étude du site suscite de nombreuses publications scientifiques, particulièrement en minéralogie et volcanologie. On découvre ainsi l’empreinte laissée par les corps humains et animaux recouverts par les produits de l’éruption. En coulant du plâtre dans ces cavités, on obtient des moulages d’habitants et même de chiens saisis dans les derniers instants de leur vie.
Quand le Vésuve se réveillera…
Le flancs en pente douce du Vésuve, son sommet incurvé, son air patelin de fumeur de pipe qui exhalerait de petites bouffées, rien ne laisse soupçonner le monstre qui sommeil ici, dans les profondeurs de la Terre. Quand il explosera à nouveau, il frappera Pompéi et Herculanum, villes antiques, mais aussi toute la région de Naples et ses quatre millions d’habitants. Parce qu’il se réveillera, c’est une certitude. Soixante-quinze ans qu’il n’est pas entré en éruption. La plus forte depuis l’Antiquité, en 1631, a tué 4 000 personnes et dévasté le pays sur un rayon de 500 kilomètres, en propulsant un nuage de cendres jusqu’à Constantinople, à plus de 1 200 kilomètres de là. Depuis 1944, le volcan est resté silencieux.
Et plus il se tait, plus il est une menace, avec son bouchon de lave coincé à huit kilomètres de profondeur. Tout autour du cratère, des maisons d’habitation, des villages entiers grimpent à l’assaut du volcan. Sept cent mille personnes, qui devraient fuir à toutes jambes, vivent là, agrippées à ses flancs. Le plan d’évacuation prévoit sept jours entiers pour vider la montagne de sa population, toute une semaine pour écarter hommes, femmes, enfants, vieillards d’une pluie de pierres ponces, des cendres brûlantes et d’un flux pyroclastique, la «nuée ardente», gaz soufré de 500 °C qui fait bouillir puis exploser les cerveaux avant de volatiliser la chair et les muscles.
Le pire est que certains contrats de construction de routes d’évacuation ont été adjugés à des entreprises mafieuses, qui se sont empressées d’utiliser, comme matériau de base, des déchets industriels toxiques et inflammables. Pour échapper au feu de la lave, c’est sur ces «voies de secours» que les Napolitains devront fuir en masse !
Les Grecs et les Romains connaissaient de longue date la dangerosité des lieux. C’est ici qu’Ulysse est venu consulter le devin Tirésias, en pénétrant dans ces champs Phlégréens qui crachent les fumerolles des profondeurs, tout près de la Solfatara, la soufrière, où l’on entre dans une grotte bouillante qui gronde du vacarme des abîmes : la porte des Enfers. Ici le péril imminent se rappelle au souvenir des humains.
Et pourtant, ceux qui vivent dans cet endroit au combien explosif jouissent également d’un paradis terrestre. Le sol qui tapisse les versants du volcan, couvert de cendres, donne légumes et fruits en abondance : tomates en grappe, oranges, citrons, grenades et surtout la vigne, le superbe vin du Vésuve qui faisait déjà la réputation et la richesse de Pompéi avant l’éruption de 79.
Le Vésuve, c’est la mort peut-être, la richesse et la prospérité sûrement. Et les Napolitains, profondément attachés à leur volcan, aiment vivre collés à ses flancs, à l’ombre du géant, à la fois protecteur et menaçant, en l’écoutant gronder en sous-sol...