Le 5 décembre 1360 : creation d’une nouvelle monnaie, le franc

Le 5 décembre 1360, Jean II franchit une étape décisive vers la création d’un territoire centralisé et unifié autour de la création d’une nouvelle monnaie, le «franc», de même valeur que la monnaie précédente, la livre tournois.

La fille du roi mariée contre rançon

Jean II le Bon (c'est-à-dire le Brave) a été fait prisonnier à la bataille de Poitiers. Il a subi une longue captivité en Angleterre et son geôlier, le roi anglais Édouard III, lui a réclamé une énorme rançon, environ trois millions de livres tournois, soit 12,5 tonnes d'or.

Le royaume est ruiné et, pour obtenir une partie de la rançon, Jean accepte une mésalliance avec le riche duc de Milan, Galéas Visconti. À ce marchand de médiocre extraction, il «vend» sa fille Isabelle contre 600 000 livres. Édouard III de son côté accepte de libérer son prisonnier après un premier versement de 400 000 livres. Mais le roi de France doit s'engager à verser le reste et, pour cela, n'hésite pas à endetter son pays. C'est ainsi que le 5 décembre 1360, sur le chemin du retour, à Compiègne, il prend trois ordonnances. Il crée en premier lieu de nouvelles taxes et généralise l'impôt sur le sel, la gabelle. Le sel est un complément alimentaire vital et, qui plus est, en l'absence de réfrigérateur, il est, au Moyen Âge, indispensable à la conservation des viandes (les salaisons). La gabelle va devenir de ce fait incontournable et très impopulaire.

Le franc, rival du florin

Pour faciliter le règlement de sa rançon, le roi crée en second lieu le « franc ». La nouvelle pièce commémore sa libération comme l'indique son appellation (franc et affranchissement sont synonymes de libre et libération). « Nous avons été délivré à plein de prison et sommes franc et délivré à toujours », rappelle le roi dans son ordonnance. « Nous avons ordonné et ordonnons que le Denier d'Or fin que nous faisons faire à présent et entendons à faire continuer sera appelé Franc d'Or »... L’ambition de Jean II et du dauphin Charles (futur roi Charles V le Sage) est évidemment de redresser les comptes d’une France ruinée par la guerre de Cent ans, débutée en 1337.

Les aventures du franc

La suite des aventures du franc sera tumultueuse jusqu’à sa disparition totale en 2002. Il sombre dans l’oubli sous Charles VI, substitué par son rival éternel : l’écu ! Vainement, Henri III frappe un franc d’argent en 1575 mais le système qui s’impose par la suite est celui du louis. Louis XIII fait ainsi frapper le louis d’or, le louis d’argent surnommé « écu » et la monnaie de cuivre, le « liard ». Curieusement, le franc réapparaît à l’époque de la Révolution Française. Serait-ce que ce nom de pièce devient plus symbolique dans des moments de crises et d’appel à l’unification nationale ? Jean II le Bon avait nommé sa monnaie « franc » pour faire écho à sa libération, « franc » signifiant « libre ». Le peuple français brisant le joug de la domination se dote d’une monnaie « franc », pour célébrer aussi sa libération. Et c’est par la loi du 7 avril 1795 que le franc est établi comme unité monétaire officielle de la Révolution Française.

La fin d'une monnaie vieille de six siècles

Le franc change de nom par la suite (de franc germinal il devint franc Poincaré en 1928) et subit de nombreuses dévaluations. Puis, le 1er janvier 2002, il disparait définitivement avec la mise en circulation de l’euro !