Pas seuls sur la Terre

Description de l'ouvrage

L’intrigue

Yann se souviendra toute sa vie de ce premier été passé en colonie de vacances au cœur des années 70. D'abord parce que c'est la première fois qu'il quitte sa ville de Grenoble. Ensuite parce que le relais des Haleurs, situé en bord de Loire, est un véritable paradis pour les jeunes vacanciers. Mais aussi et surtout parce qu'il y a ce fleuve immense, brodé de légendes et semé d'îles sauvages, que l'adolescent émerveillé imagine peuplées de fantômes et de châteaux en ruines. La découverte d'une vieille barque vermoulue dissimulée sous la végétation sera à l'origine de la plus incroyable aventure de sa jeune existence, qui lui permettra de grandir dans l'adversité..

 

Extraits

L’été rayonnait dans toute sa splendeur sous un implacable soleil africain. Tout l’air, où dansaient moucherons et abeilles, vibrait du frémissement de mille ailes. Les sauterelles jaillissaient en rond autour de nos pas, comme des éclaboussures. Les odeurs végétales emplissaient nos narines comme une invisible fumée. Des poules d’eaux et des canards caquetaient au milieu des roseaux ou glissaient paisiblement sur les eaux miroitantes de l’étang, qui prenait pour nous des allures d’Eldorado. Têtards, tritons et écrevisses peuplaient ses eaux fécondes. Un parterre de nénuphars constituait une flotte de porte-avions idéale pour des escadrilles de libellules aux fuselages éblouissants. Nous improvisâmes nombre de menues embarcations pour transporter d’infortunés insectes et de placides escargots en d’ambitieuses campagnes militaires éclairs, sous la grêle incessante de graviers décochés par des bombardes ennemies.
Lorsque les membres de ma chambrée décidèrent d’abandonner le champ de bataille aux équipes adverses, cela faisait bien longtemps que les poules d’eau et autres canards avaient rejoint avec force de protestations la zone interdite du fleuve. Echappant à la surveillance discrète et bienveillante de nos moniteurs, les monos comme on les appelait à présent, nous nous glissâmes sous le rideau de verdure qui nous séparait de la Loire. Les arbres sauvages, que personne jamais ne taillait, avaient l’air d’énormes broussailles. On savait que c’était défendu, mais l’appel de l’inconnu était le plus fort. Les eaux glissaient devant nous avec un murmure quasi hypnotique. Une odeur de vase et d’herbes palustres nous sauta au visage. Une odeur grisante d’espaces vierges et inconnus. J’étais enivré. Un îlot de gravier tout en longueur partageait le courant, occupé par deux hérons imposants. Les oiseaux paraissaient prendre le soleil, le bec légèrement ouvert, leurs plumes hérissées par un petit vent suret. Sur la rive opposée se déployait un bois sombre.
- On dirait une forêt vierge, murmurais-je pour moi-même.
- Et ton âme d’explorateur aimerait y poser le pied, souffla Tophone comme s’il se parlait également à lui-même.
- Ben oui. Pas toi ?
Le garçon opina, faisant tressauter ses joues replètes.
- Hé ! Venez-voir ce que j’ai découvert ! lança La Frise qui s’était engagé sous les branches déprimées d’un saule pleureur.
…  

 

 Le vent hurlait, la pluie crépitait, le fleuve grondait. Battu par l’averse, étourdi par le bruit, je faisais le dos rond pour être en mesure d’entendre mes compagnons d’infortune.
- Il faut retourner la barque pour s’abriter dessous ! hurlait Tophone.
- On ferait mieux de rejoindre l’île aux arbres, le contredisait la Frise. On trouvera sûrement un abri de branchages là-bas.
- Attendons au moins que la pluie se calme beugla Tophone.
- Et si elle ne se calme pas ? criais-je. Et si l’orage durait des heures ? Nous ne pourrions plus naviguer dans le noir.
- Nous passerions la nuit sous la barque ! couina la Souris.
Noémie secoua la tête.
- Je ne crois pas prudent de rester ici, s’époumona la jeune fille. Imaginez ce qui se passerait si le niveau de la Loire montait pendant la nuit. Il suffirait de quelques dizaines de centimètres ou même juste d’une grosse vague pour recouvrir l’îlot !
- Noémie a raison, rugit la Frise. Nous devons rejoindre immédiatement l’abri de l’île aux arbres !
Tophone avait été sensible à l’argument de Noémie, car il approuva vivement en faisant tressauter ses joues rebondies. Il promena un regard inquiet sur le fleuve où la pluie continuait sa sarabande effrénée, surement affolé à l’idée d’être englouti par une vague déferlante. Noémie enfonça le clou :
- On pousse la barque à l’eau et on la mène jusqu’à l’extrémité de l’îlot, pour qu’elle soit à nouveau dans le courant. On saute à bord et on croise les doigts pour que le fleuve nous transporte jusqu’à l’île aux arbres…
Je levai les pouces pour marquer mon assentiment, les paupières à demi fermées par le ruissellement de l’eau sur mon visage.
- Allons-y ! commanda la Frise.
Nous joignîmes nos énergies pour remettre notre bateau à flot puis le guider en direction de la liberté. Le fleuve n’était plus que vacarme. Battu par la pluie cinglante, glissant sur les galets détrempés, étourdi par le bruit, j’avais toutes les peines du monde à me concentrer sur notre mission. Une fois que la barque eut franchi la pointe qui brisait le courant, elle sembla chercher à nous échapper. Nous basculâmes hâtivement dans ses flancs rebondis et reprîmes notre errance aveugle. De violentes bourrasques et des vagues inquiétantes ballottaient notre navire comme une coquille de noix. La pluie cinglante nous obstruait la vue de multiples rayures pâles et nous piquait le visage de ses dards effilés. Nous nous étions recroquevillés entre les bancs de nage, renonçant à toute tentative d’influer un tant soit peu sur notre trajectoire. Tout n’était plus qu’eau et fureur autour de nous.
- C’est l’île ! cria la Frise à mon oreille.
L’orage était trop intense pour que je l’aperçoive. Je cherchais en vain la pâleur de l’écume ou les masses malmenées du feuillage. Les éclairs, d’une intensité aveuglante, se croisaient comme des épées dans une bataille, tandis que les roulements du tonnerre semblaient venir de tous les points du ciel. Je secouai la tête pour marquer ma cécité lorsqu’une secousse brutale me jeta dans la coque. Un second choc me renvoya contre le banc de nage, puis quelque chose d’effilé me frappa en pleine poitrine, me coupant le souffle. La barque s’immobilisa pour la seconde fois… .



L’avis de l’éditeur

 

L’avis des lecteurs


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