Les Châteaux forts du Dauphiné

Description de l'ouvrage

Ce ne sont pas ses paysages qui déterminent les frontières du Dauphiné, les différences l’emportent largement sur les éléments d’unité. Des hauts glaciers de la Meije à la plaine Lyonnaise, des vallées encaissées de la Romanche au soleil radieux baignant les lavandes de Grignan, les contrastes sont absolument saisissants.

La constitution de l’ancienne principauté est un pur produit de l’Histoire, écrite par l’ambition des comtes d’Albon et de leurs successeurs durant tout le Moyen Âge. Ces monarques, désignés à partir du XIIe siècle sous le titre de Dauphin, ont su bâtir un Etat féodale suffisamment solide pour tenir tête aux velléités d’expansion de la Savoie voisine et capable d’affirmer son identité face à l’Empire Germanique dont il était en théorie dépendant.

Au XIVe siècle, la vente par le dernier Dauphin, Humbert II, de sa principauté endettée, la fait entrer dans le giron du royaume de France, dont elle ne s’écartera plus. Les changements administratifs de l’époque moderne ont ensuite morcelée le Dauphiné en trois départements distincts : l’Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes. Quelques  communes ont également été rattachées au département du Rhône.

Mais l’époque lointaine où le Dauphiné était un pays indépendant vit encore au travers de nombre de monuments et d’évènements passés à la postérité, qui témoignent de cet âge presque mythique, dans lequel l’alchimie de l’Histoire jeta les bases de la province moderne.

Le témoin le plus éloquent de cette époque est sans conteste le château fort, cet acteur essentiel des contes de notre enfance, qui évoque dans l’inconscient collectif l’autorité brutale d’un univers farouche tout autant que l’idéal chevaleresque et l’amour courtois. Avec l’Église, il représente toutes les valeurs morales de ce lointain passé, en même temps que sa principale expression architecturale.

Et c’est à l’abri de sa silhouette dressée que s’est construite la société féodale et que se sont mis en place la plupart des villages et des coutumes qui sont parvenus jusqu’à nous. Qu’ils aient été modifiés, transformés, restaurés, détruits intentionnellement ou simplement tombés en déshérence, ces monuments conservent intact leur pouvoir de fascination.

Ce livre vous offre de survoler une centaine d’entre eux, que j’ai cherché à restituer, autant que faire ce peu, par le dessin. Peu de texte dans cet ouvrage, qui n’est ni un dictionnaire ni un Atlas. Juste  un vol virtuel au-dessus de quelques-unes des plus belles forteresses dauphinoises et les informations suffisantes pour vous y rendre, si le cœur vous en dit, et confronter les dessins aux vestiges encore existants.

Bien entendu, un livre de cette nature est forcément basé sur des partis pris. Partis pris en terme de choix, car j’ai tenu à présenter tout le panel des types de fortifications, allants de la plus modeste des mottes féodales à la plus grande des forteresses. Pourquoi ne pas avoir choisi, au contraire, de ne présenter que les plus illustres châteaux forts ou alors seulement les moins connus ? Partis pris également pour combler par le dessin les nombreuses zones d’ombre imposées par l’absence de vestiges ou de documents exploitables. C’est cette foule de partis pris qui ont conduit à faire de ce projet le livre que vous tenez entre les mains. Je les assume parfaitement et j’espère que le résultat sera jugé favorablement par le plus grand nombre.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter beaucoup de plaisir à survoler à présent nombre des plus beaux donjons du Dauphiné.

 

 

Les grandes étapes de la réalisation d'un dessin de restitution de château :

Illustrées par la création du dessin du château de Montmiral dans la Drôme.

  1. Etude sur le terrain pour relever le bâti existant et les mouvements de terrain


  2. Réalisation d'un plan des formes du terrain sur lequel figurent les vestiges encore présents


  3. Réalisation d'une maquette sommaire à partir du plan


  4. Réalisation du dessin d'après la photo de la maquette…

 

 

Quelques dessins qui figurent dans cet ouvrage :

 

Le château de la Perrière, en Isère (commune de Saint Julien de Ratz). C’est lors du siège de ce château savoyard en 1333 que le bouillant dauphin Guigues VIII meurt, fauché par un carreau d’arbalète. La chronique de Savoie relate en détail cet épisode qui fait immanquablement penser à la mort de Richard Cœur de Lion devant le château de Chalus.

 

Le château sur motte de Mantaille, dans la Drôme, protégé du côté de l’attaque par son puissant mur bouclier.

 

Le château de Crussol, qui domine magnifiquement la ville de Valence mais aussi son remarquable bourg castral fortifié.

 

Le château fort de Paladru, dont les modestes vestiges dominent le nord du lac de Paladru, en Isère, a succombé à un siège mené par le comte de Savoie en 1333.

 

Le château fort de Bocsozel, en Isère, a la particularité d’avoir conservé sa motte castrale du 11e siècle (à gauche) en plus du château fort du 12e siècle.

 

 

Exemple de l’évolution d’un site dauphinois : Uriage, en Isère

Inscrit à l’inventaire des monuments historiques et partiellement classé, le CHÂTEAU D’URIAGE (département de l’Isère) est un ancien château fort perché au sommet d’un éperon qui domine Uriage-les-Bains au sud et les gorges du Sonnant à l’ouest.

Les grandes dates du château.

Castrum Auriatge, le château d’Uriage, est au départ une motte castrale (fortification en bois) certainement bâtie autour de 1050 par Alemannus de Auriatge (ancêtre des chevaliers Alleman de la branche dite d’Uriage), même si la première mention écrite ne date que de 1085. Remplacée au XIIe siècle par un premier château fort en pierre (à l’emplacement du corps de logis Ouest du château moderne), il est agrandi au fil du temps puis complété vers 1460 par l’aile Est et les tours circulaires, tandis que les parties les plus anciennes sont dotées de fenêtres à meneaux. Le bourg castral, fortifié d’une enceinte de 500 mètres, qui s’est développé dès la fin du XIe siècle à l’Ouest en contrebas du château, ne connait pas l’essor escompté. Il est déjà pratiquement abandonné en 1500. Il n’en reste rien aujourd'hui.
Uriage est érigé en baronnie en 1496, faveur accordée à Soffrey Alleman par Charles VIII, certainement en reconnaissance des très nombreux services rendus par la famille au pouvoir royal. Le château est conservé par les Alleman jusqu’en 1630. Le château est doté de nouvelles toitures au XVIIe siècle. Il est aujourd’hui transformé en appartements.

La famille Alleman.

Durant toute la période médiévale, la puissante famille Alleman, dont de nombreuses branches tiennent châteaux et terres dans tout le sud-est du Dauphiné, le Valbonnais, la Matheysine et l’Embrunais, mais aussi à Séchilienne aux portes de l’Oisans, à Laval dans le Grésivaudan, à Champ-sur-Drac et Uriage au sud de Grenoble, et jusqu’au Faucigny, en pays de Vaud, en Bugey et même dans le Viennois, font partie de l’entourage proche et fidèle du Dauphin : ils sont souvent choisis comme arbitres dans les négociations delphino-savoyardes. Cette puissante famille, par ses différentes branches, a donné des chevaliers présents aux Croisades, des lieutenants généraux de la principauté, des prieurs, des évêques et un archevêque. Leur nom figure dans un millier d’actes du Regeste dauphinois.
Un dicton populaire connu en Dauphiné et en Provence, « Gare la queue des Alleman », témoigne de leur pouvoir et de leur esprit de famille, affirmé par des pactes renouvelés typiquement féodaux, visant à s’entraider mutuellement contre tous sauf le Dauphin et sa famille. Leurs armes sont « de gueules semées de fleurs de lys d’or à la bande d’argent ».
Parmi les descendants célèbres de la famille Allemand, le chevalier Bayard, dont la devise « Sans Peur et Sans Reproche » est restée dans les mémoires, aurait reçu son premier cheval des mains de sa tante Catherine Alleman ou de son grand-père, au château d’Uriage. Le dernier grand chevalier de l’Histoire de France sera inhumé dans la chapelle familiale du Couvent des Minimes que son oncle, l’évêque Laurent Ier Alleman, avait fondé en 1494 à Saint Martin d’Hères. Les restes du chevalier Bayard y reposeront jusqu’au 24 août 1822, date à laquelle ils seront transférés à la collégiale Saint André de Grenoble.

Description du château fort d’Uriage en 1339.

A cette époque, le château est composé d’une enceinte rectangulaire orientée Est-Ouest dans sa plus grande longueur, de 140 mètres de développement pour 10 à 16 mètres de hauteur, englobant une tour maîtresse quadrangulaire au Nord-Ouest (40 mètres de circonférence et 20 mètres de hauteur au sommet des créneaux), prolongée le long de la courtine Nord par un bâtiment résidentiel, une seconde tour au Sud-Est (44 mètres de circonférence pour 16 mètres de hauteur) commandant l’accès au portail, côté Est, ainsi qu’un certain nombre de dépendances; cuisine, étable, citerne, logements. Une deuxième muraille d’environ 60 mètres de périmètre pour 8 mètres de hauteur forme une sorte de sas à l’Est dans le prolongement du château fort, couvrant une bonne partie de l’avant-cour du château moderne et ouverte sur un second portail côté levant (cette partie n’est pas visible sur le dessin, à l’exception d’un départ de courtine dans l’angle Nord-Est du château). La muraille du bourg castral se raccorde pour sa part aux angles Nord-Ouest et Sud-Est du château fort.
Le château est embelli au XVe siècle : la tour Ouest est intégrée à un grand corps de bâtiment flanqué de deux tourelles d’angle cylindriques au levant, celle de l’Est est noyée dans un second corps de bâtiment flanqué également de deux tourelles d’angle cylindriques, cette fois à l’Est, et d’une troisième (au Sud-Ouest du logis), plus haute et occupée par un escalier à vis. Une galerie relie au siècle suivant les deux corps de bâtiment, côté Nord.


Au 11e siècle

Vers 1300 et aujourd’hui

De nos jours